the land of all ♞ marlene&quinn

Je porte sobrement ma coupe de vin à mes lèvres, m'abreuvant de ce nectar pour oublier un tantinet la journée terrible qui m'attend. Me sentant en sécurité à l'étage des domestiques, j'occupe silencieusement une des nombreuses fenêtres qui ornent l'immense salle où tout le monde semble s'activer. Les cuisiniers mettent la main à la pâte, les femmes de chambre font des allers-retours entre les lits et la laverie. Tout le monde bouge, tout le monde suit sagement son cours. Et il y a moi, seul électron perdu au milieu de gens qui sont pourtant mes camarades. Mon regard est vissé sur l'imprenable vue du lac qui surplombe absolument tout ce qui m'est été donné de voir auparavant. Ma vie est tellement misérable à côté de ce lac si tranquille, mais pourtant si angoissant. Je ressers mes doigts contre ma coupe de vin que j'ai presque vidé. Un des cuisiniers passe à côté de moi, l'air agacé, me demandant si je compte "poireauter" ici encore longtemps selon ses dires. Monsieur a besoin de faire la vaisselle, comprenez... C'est dans un nouveau soupir las que j'engloutis ce qu'il reste de vin, avant de lui rendre sans aucune délicatesse le verre à pied entre ses mains crasseuses. Dédain, mépris, je ne suis pas de ces gens-là. Mais hélas, je ne vaux pas mieux qu'eux pour autant. C'est en silence que je déguerpis de l'étage des domestiques, devant désormais me confronter ce à quoi on s'attend de moi dans cette immense demeure: rendre Dolores Rainfall désirable. Je longe les couloirs qui s'enchaînent. Tout se ressemble, tout s'assemble ici. Vêtu d'un ensemble bleu froid - en accord avec le lac, emblème de cette famille si austère - je me mets à la recherche de la benjamine de la famille. Mais aucune trace de la demoiselle. C'est bien ma veine, elle est pourtant reconnaissable entre mille avec son précieux garde du corps personnel. Je m'arrête au beau milieu d'un des salons, tombant devant une habitante des lieux. Pas une domestique, mais bel et bien la soeur de ma nouvelle protégée. Je n'ai rien à apprendre à Marlene Rainfall voyez-vous, elle peut se targuer d'avoir épousé un bon parti récemment. La bienséance oblige, je m'avance dans sa direction et m'incline avec le plus grand des respects. « Bien le bonjour milady, je suis agréablement surpris de vous trouver ici. » Une pause. Je relève un peu mon visage pour regarder celui gracieux de l'aînée de Dolores. Une belle femme que son compagnon aura bien forgé. Je me permets alors de me redresser, gardant néanmoins une posture droite. « Je cherche votre jeune soeur depuis des heures ! Auriez-vous une idée d'où elle pourrait s'être cachée, milady ? » Je lui demande avec toute la bonne volonté du monde, pour ne pas penser à la difficulté que je vais avoir de former Dolores. Je l'ai bien vu dans son regard d'enfant: le mariage est une idée bien trop abstraite pour elle et mon travail va s'avérer bien plus compliqué qu'à l'accoutumée. Je me demande soudain si mon interlocutrice me connait. Son père aurait-il ommis de lui en parler ? Je pince discrètement mes lèvres, préservant un air calme et contrôlé. Voyons voir si Marlene Rainfall connait mieux sa soeur que moi. Cela ne risque pas d'être difficile...